Shizuoka, Tamakawa 2015 : Sôfû & Yamakai

Après avoir parlé de l'incroyable Tôbettô, sommet des thés du domaine Tsukiji de Tamakawa (secteur dit de Hon.yama à Shizuoka) aujourd'hui produits par le jeune M. Kosugi, je vais évoquer les deux sencha suivants, les cultivars Sôfû 蒼風 et Yamakai 山峡. Deux très grands thés, très réussis encore cette année malgré toutes les difficultés, deux profils pourtant très différents.
Je vais commencer par celui qui est complétement nouveau sur Thés du Japon, Sôfû.
Sôfû est un cultivar de type "inzatsu" 印雑, croisement entre Yabukita et Shizu-inzatsu-131, ce dernier étant lui-même le croisement du variété japonaise et d'une variété de Assam.
Fuji-kaori ou encore Kondô-wase sont deux autres exemples de cultivars de type "inzatsu". Leur caractéristique commune est d'abord un parfum floral sucré très fort, dans le domaine de la fleur blanche, pouvant parfois rappelé le jasmin, ou parfois encore le raison. Autre caractéristique commune, une relative richesse en tanin qui peut les rendre assez astringent.

Ce Sôfû de Tamakawa est bien sûr splendide, avec de belles, longues et fines aiguilles, très élégantes. Comme Tôbettô il est récolté manuellement sur des théiers non taillés.Leur parfum est intense, sucré, je ne le qualifierai pas de très floral, plutôt un mélange de fleur et de fruits qui donne un tout complexe typique des "inzatsu", mais en tous cas, celui-ci est particulièrement envoutant et relaxant.

Avec ce thé il faut de l'eau bien chaude, pas bouillante, mais 80 ou 85°C sera parfait pour la première infusion, ce n'est pas un sencha qui se relève à l'eau tiède. 4 ou 5g de feuilles, 70 ou 80 ml d'eau, 1 petite minute.

En revanche, mieux vaut attendre un peu que le thé refroidisse un peu dans la tasse pour profiter des parfums de la liqueur. Ceux-ci combinent fraicheur et sucre, et puis il y a ce parfum si particulier que certains évoquent comme du jasmin, mais il ne me semble pas que cela soit approprier. Oui, nous sommes dans la fleur blanche, mais il y a quelque chose de plus vif. Mais rien dans ce Sôfû n'est trop "vif", tout est dans la retenu.

Cette qualité se retrouve dans la liqueur. La première attaque est très douce et légère, il y a en bouche un peu d'astringence (celle-ci pourrait être éviter avec de l'eau plus tiède ceci dit), pas gênante, au contraire elle s'accorde avec les saveurs si particulières, florales et sucrées de ce thé. Un subtil umami vient finir le tout. Ce qui reste dans la longueur est comme une bouffé fraiche dans la bouche.

La deuxième infusion, un peu plus chaude mais très rapide donne une liqueur très aérienne, sans astringence cette fois, d'une grande fraicheur, permettant de profiter plus simplement des arômes de ce cultivar.


A l'image de sa liqueur toujours limpide et lumineuse, ce Sôfû est un thé d'une grande pureté, d'une grande subtilité, chose pas toujours évidente avec ce type de cultivar.  Il n'y a pas d'excès en bouche, tout est dans les fragrances fraiches, florales, parfois un peu mentholées, leur impressions au nez, dans la gorge. Bien sûr, à partir de la troisième infusion, l'astringence fait son retour, mais qu'elle est délicieuse cette astringence subtile ! Ce thé continue à glisser dans la gorge en toute fluidité.

Avec Yamakai, c'est à un profil tout à fait opposé que l'on a affaire. Face au raffinement, à la personnalité féminine de Sôfû, on a un thé beaucoup plus masculin qui joue sur la puissance.
Yamakai est un cultivar que j'adore, qui n'a pourtant guère plus de succès aujourd'hui mais qui fut dans le passé très prisé pour les thés ombrés, gyokuro notamment. Mais c'est un cultivar difficile, aux tiges très épaisses, et ses arômes très "gras" ne sont pas du gout de tout le monde.
Revenons en à ce Yamakai de Tamakawa, les feuilles sont très belles aussi, longues et épaisses, viriles.
Leur parfum est également bien présent. On y trouve des notes chaleureuses d'herbes sèches, mais se sont surtout des parfums sucré rappelant de la confiture de framboise, une texture très riche, qui frappent le plus.

On est là en présence d'un thé qui va jouer sur la douceur et l'umami, un thé avec beaucoup de corps, la préparation sera alors aussi très différente de celle de Sôfû. Infusion à basse température, 60 ou 65°C, 5g de feuilles pour 60ml d'eau, 1mn30s.

La liqueur fait un écho parfait des parfums sucrés de framboise des feuilles sèches. Ce très riche parfum est intense malgré l'infusion tiède.
En bouche le thé montre beaucoup puissance, avec une attaque riche et pleine de douceur, de l'umami se répand en bouche, mais pas trop, pas question avec les thés du domaine Tsukiji de faire dans les idéaux de concours. Bref, cette douceur n'est pas sans être stimulante. On y retrouve ces saveurs sucrées. Celles-ci semblent tapisser ensuite le palais pour l'eternité.


Il est important de monter la température pour la deuxième infusion. Très douce, parfumée et savoureuse, celle-ci est aussi plus légère, elle marque un repos bien agréable, toujours aussi long en bouche cependant.
Légère baisse des parfums à partir de la troisième infusion, mais retour de la puissance. Splendide after taste et longueur à n'en plus finir.
Avec ce type de paramètres bien chargés, on tirera 5 très bonnes infusions.

Ce Yamakai de Tamakawa du domaine Tsukiji est un thé à la force très grande, qui pourrait presque rivaliser avec Tôbettô, mais avec des arômes très différents, plus typés, un impact plus fort, ce qui selon le point de vu adopté peut être pris comme une qualité ou un défaut.
Sa force brute, ses parfums très "caloriques" l'oppose de manière claire au Sôfû, délicat avec ses parfums floraux très "aroma thérapy".
Tôbettô, Sôfû et Yamakai forment un groupe de trois thés d'exceptions du domaine Tsukiji, tous récoltés manuellement, tous extrêmement différents qu'il convient de déguster en parallèle. Ils montrent toute la puissance et la richesse aromatique, presque insoupçonnées, dont peuvent faire preuve les thés japonais.... trop rarement malheureusement.

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